Episode 7/13 - La peine

Type de document
journal de bord
Lieu·x
Bretagne Romantique
Thématique·s
JUSTICE PÉNALE, JUSTICE SITUÉE, JUSTICE ET SENSATIONS
Date
juillet 2019
Auteur
Vincent Collet

Sur la grande place déserte et caillouteuse d’un bled environnant, la question fuse sous le cagnard et la réponse ne se fait pas attendre, pleine d’évidence. Oui, pour ce jeune homme, dans les cas extrêmes il faut autoriser la peine de mort. La fraîcheur du bord du canal quelques heures plus tard n’adoucira pas la réponse de l’éclusière qui, d’elle-même nous confie, ne sachant si elle a le droit de le dire, qu’elle serait limite pour la peine de mort pour les violeurs, pour quelqu’un qui récidive. Françoise nous l’avait bien dit. Gwenola nous parlait tout à l’heure de la peur d’exercer un jugement définitif, de mal juger justement si elle était juré. Elle avançait le doute raisonnable qui doit prévaloir. Mais là, non, elle est catégorique, elle n’aurait pas peur. Peut-être ne parle-t-on plus de la même chose à ce moment là. 


Lorsque le danger devient par trop réel, la fonction de la peine semble reléguée loin derrière. Bien que tout le monde s’accorde sur la fonction transformatrice de la sanction, pour mettre en place une seconde chance, la réinsertion future semble parfois reléguée loin derrière le besoin de proportionnalité face à la douleur provoquée, comme si cela pouvait apaiser la peine des gens qui ont souffert.  

Pourquoi construit-on cette capacité de jugement ?
Changer notre regard sur celui qui nous a fait du mal, c’est de cette façon que les neuroscientifiques décrivent le pardon, un processus particulier qui les intrigue. Quelques mois plus tôt, je lis cet article [1] qui me semble être une révélation : il s’agit en fait d’un mécanisme neuronal complexe, une capacité qui allie empathie, maîtrise de nos émotions et cognition. Reconnaissance du mal fait, abandon du ressentiment et compassion. Programmé pour la survie, le cerveau adore ressasser et enregistre beaucoup plus facilement les activités négatives et actionne les capteurs liés à la douleur. Quand nous parvenons à abandonner la rancune et à expérimenter le soulagement, nous activons notre capacité à nous mettre à la place de l’autre. Et ce que j’apprends à la lecture de cet article, c’est que ce tandem vengeance/pardon aurait permis à de nombreux groupes de survivre, car nos ancêtres « auraient compris que pour maintenir les membres d’un clan ensemble et ainsi pouvoir mener à bien des projets collectifs, il faut savoir punir les contrevenants tout en passant l’éponge de temps en temps. » Un pansement émotionnel pour ne pas nous autodétruire par le stress du ressentiment. Mais ce que découvre le chercheur Thomas Baumgartner, c’est que nous accordons plus facilement notre pardon, à faute égale, aux personnes qui font partie de notre groupe, bien que quelques personnes puissent être impartiales. Cela serait dû à la biologie, la densité de matière grise et blanche dans certaines parties du cerveau convoquées. Pour autant le cosignataire de l’article, le psychologue Robert Enright affirme qu’il est possible de décider de pardonner, d’abandonner son droit légitime à la vengeance, selon un processus intime qui peut prendre du temps. 

Quel choix rationnel et politique fait l’institution ? 

[1] Sens & santé : janvier/fevrier/mars 2019 p.10