Le géographe

Type de document
journal de bord
Lieu·x
Genève
Date
septembre 2020
Auteur
Marie-Lis Cabrières
“J’ai l’impression que les questions importantes sont jamais réglées. Comme la façon dont on se tient. Ce n’est pas parce que je sais que je dois faire quelque chose que je vais le faire désormais tout le temps. S’il est difficile d’avoir une gymnastique du corps au quotidien, de ne pas faire d’erreur, bien se nourrir, bien se tenir, bien dormir... j’ai l’impression que c’est encore plus difficile en matière de gymnastique d’esprit. Et encore plus difficile en matière de moralité. Si je pensais tous les jours à ce qui est moral ou pas de faire, je m’effondre. J’ai l’impression que c’est la chose la plus difficile à porter, quasi physiquement. Et c’est chaque fois à gagner. Je regagne, le moment où il m’est accordé par la grâce d’une discussion, d’une rencontre ou d’un choc, d’être en tout point la personne que je voudrais être mais je sais que ça ne va pas durer. “

Lui, on le nomme le géographe. Je retiens la question du discours, de ce que l’on dit et de à qui on le dit, ce n’est pas anodin, on ne peut pas tout dire tout le temps et pourtant garder le maximum de cohérence et de sérieux dans la parole, dans l’apprentissage, dans la découverte, dans la connaissance. Est-ce qu’il faudrait introduire un petit morceau d’Elisée Reclus ?  Je crois qu’il y a une piste à creuser, je viens de me procurer Écrits cartographiques. Quand est-ce qu’on peut réfléchir en accord avec soi-même, en cohérence, et quand est-ce qu’on réfléchit en accord avec l’auditoire notamment les enfants ou étudiants ? Différentes pistes de réflexions qui dépendent des moments. Le regard du géographe.  

Quelque chose me fascine. Je regrette de ne pas avoir pris de notes dans le fossé (à la manière de cette journaliste sur l’île d’Ouessant qui après chaque entretien se jetait dans le fossé pour écrire). La façon dont Alexandre (ah oui Alexandre, c’est comme cela qu’il s’appelle, le géographe qui nous offre un café serré et la discussion filmée se passe dans son jardin, pas loin d’un petit cabanon). Quelque chose dans le rapport à la géographie, à l’espace me semble essentiel.

Est-ce cette histoire de paysage que je ne sais pas comment regarder ? Nous évoquons Thoreau et Elisée Reclus. Il s’avère que Alexandre travaille beaucoup sur et à partir des travaux d’Elisée Reclus. 
Je pense à l’histoire d’une montagne, l’histoire d’une rivière, ses incroyables descriptions et cherche à comprendre le lien avec son implication politique. Comment le fait de décrire la nature le propulse dans une réflexion sur la politique et la société ? Est-ce d’ailleurs ce mouvement qui s’opère ? Est-ce que l’un sert à l’autre ?  

Cela existe ensemble la nature et l’humain, pourquoi toujours penser en séparant ou en voyant l’un dans le prolongement de l’autre ?  

Alexandre connait Elisée Reclus dans sa réflexion sur le monde, le monde social, sa critique de la société, il parle du géographe-anarchiste (il me conseille d’ailleurs de lire Écrits sociaux et Écrits cartographiques) et moi je le connais dans ses descriptions de la nature, je parle du géographe-naturaliste…