Episode 9/13 - Le royaume
A huit heure de bon matin, c’est de plein pied que nous entrons dans le royaume du droit vu comme un jeu ludique.
Franck 1er nous accueille chez lui, et nous fait visiter l’Empire de la Basse Chesnaie. Impoossible de me rappeler comment, mais la semaine d’avant j’avais découvert sur internet cette micro-nation et la veille nous étions passés à l’impoviste après avoir dégoté son adresse. Sa femme nous avait alors donné rendez-vous le lendemain avant de partir au travail.
Joyeusement nous faisons le tour du propriétaire – ici un aigle impérial sur la crédence en granite de la cuisine, façonné par un tailleur de pierre rencontré quelque jours auparavant dans son atelier – ici des gargouilles en forme de grenouille dans un bassin, là les oies dans un enclos qu’il nomme les juges de paix de son empire et c’est finalement sous un grand chêne, tel St-Louis, qu'il nous délivre une parole sur un fil, tout à la fois déguisée et profondément sûre d’elle-même. Car il sait nous rappeler avec humour qu’il mène là tout autant une expérience anthropologique, inventer un nouveau droit ex-nihilo et crédible, qu’une farce grandeur nature qui comble un besoin de poursuivre la magie des jeux que l’on mène enfant, dans un enthousiasme qui se confond sérieusement avec ses valeurs et préoccupations, lui qui a déclaré son indépendance un 2 décembre 1993, anniversaire du sacre de Napoléon et de la bataille d’Austerlitz. - Qui irait aujourd’hui dire au Prince de Monaco, mais c’est qui ces gignols ? Qui se rappelle que les monarques français créent leur légitimité sur la base d’une légende puisque Mérovée, 1er roi de France, aurait été institué en raison d’une ascendance divine ? - Il défend le monopartisme, défend, lui l’avocat spécilisé en circulation routière afin de permettre aux autombilistes de récupérer leurs points de permis, la formation de juristes de bonne qualité. La justice est selon lui un ensemble de bons textes écrits par des gens compétents, et non les commissions des lois à l’assemblée, et appliqués par des juges compétents. Est-ce que la qualité d'un juge tient justement à son sens de l’interprétation ? Justement non ! La jurisprudence ne doit pas être source de droit, le juge est là pour appliquer le texte qui lui est soumis, mais certainement pas pour transformer la norme. Il poursuit sa démonstration - la justice ça ne devrait pas être un pouvoir, c’est un outil humain, car le gouvernement des juges est au moins aussi dangereux que le gouvernement de la masse – comment faire face à de telles affirmations – la masse prend nécessairement de mauvaises décisions parce que vous multipliez le risque d’erreur, elle serait plutôt à diriger de manière claire pour la protéger d’elle même qu’à éduquer vers une forme de d’équité ou de sentiment de justice – tout est dit.
Ah non, on peut enfoncer le clou : je m’appelle Samson, donc on a quand même été bourreaux de père en fils depuis 1570. C’est une grande tradition familiale , donc techniquement c’est difficile d’être contre la peine de mort.
Il nous interpelle sur un point, la peine de mort existe de fait et en dehors de tout cadre légal depuis 1981, car la France, comme tous les pays commandite sans avoir de compte à rendre à personne, des exécutions extrajudiciaires.
Nous débriefons quelques centaines de mètres plus loin, nous posons nos vélos et nous enregistrons. Oui, ok, bien. Étonnamment, après tout ce que j’ai entendu, je suis heureux de l’avoir croisé. D’entendre exposé avec une telle liberté et une violence qui pourrait m’effrayée, une conception qui place l’homme providentiel au cœur. Face à quoi se trouve-t-on ? un groupuscule d’ultra-droite ? La micro nation de Franck est-elle une ZAD royaliste privée ? Malgré toutes nos élucubrations et sentiments contradictoires, nous nous accordons sur un point, sa transparence et la qualité de son accueil qu’on pourrait qualifier de générosité.