Etape 6/11 - Zone critique : Nouméa
J’arrive en Nouvelle-Calédonie et découvre à quel point le sentiment de justice, la terre et les conceptions vis-à-vis de celle-ci s’entrecroisent. Le Pays vit un long processus de décolonisation, d’en- capacitation, d’humilité partagée pour faire société dans une nouvelle forme, celle du « destin commun » décidé il y a plus de trente ans. Je suis venu sur cette île quand j’ai compris que certains rituels, notamment de réparation, issus de la coutume kanak, avaient été initiés pour avancer toutes communautés calédoniennes confondues. En prise avec un territoire immense, dépendant d’usines de nickel en partie collectivisées, conscients des dépendances qui les unissent à leur environnement, les Calédoniens, et plus particulièrement les Kanaks, sont au croisement du développement de leurs territoires. Face à une responsabilité énorme et à des intérêts contradictoires. Comment penser le long terme, quand on a 3000 ans de civilisation agraire derrière soi, mais aussi 150 ans d’expropriation à l’ère de la modernité ? Quelles organisations économiques, administratives, légales, sociales vont pouvoir faire à la fois la synthèse et l’aggiornamento des politiques passées et des traditions ?
Grégory Louzier qui travaille à proximité de Saint-Louis, une tribu urbanisée gagnée par les faubourgs de Nouméa, m’expose la politique de redistribution des terres, qui a vu 50% des terres être réattribuées aux Kanaks au travers des Groupements d’intérêts économiques en reprenant le cadastre coutumier, suite aux accords de Matignon signés en 1988. Problème, quelle valorisation des terres favoriser au sein d’un système coutumier clanique, où plusieurs tribus se partagent parfois les mêmes terres ? Quelle est la projection dans l’avenir ? Un modèle hawaïen ultra développé ou un développement plus harmonieux selon un modèle à réinventer, plus proche des écosystèmes comme le veut la coutume mais qui doit aussi satisfaire les besoins économiques de ses habitants ?